La scientifique et centenaire montréalaise Brenda Milner, considérée comme la mère de la neuropsychologie, dirige encore des travaux de recherche aux Institut et hôpital neurologiques de Montréal de l’Université McGill. Et elle compte bien continuer à le faire aussi longtemps qu’elle le pourra.
De Manchester à Montréal, de la psychologie à la neuropsychologie
Originaire de Manchester, Brenda Milner fait en Angleterre des études de psychologie, pour lesquelles elle montre beaucoup de talent. « J’ai eu des résultats très brillants. Il y a eu des choses écrites dans le Times de Londres. Manchester girl does this, Manchester girl does that », dit-elle en entrevue à La Presse.
En 1944, elle suit son mari Peter Milner jusqu’à Montréal, où il met en place une unité de recherche sur l’énergie nucléaire. Brenda Milner commence alors à enseigner la psychologie à l’Université de Montréal. Hors de question pour elle de rester au foyer. « Peter avait reçu de l’argent pour moi, mais je ne peux pas être une femme entretenue. Ce n’est pas dans ma nature », explique-t-elle.
Elle s’inscrit ensuite au doctorat à l’Université McGill, où elle fait la rencontre du Dr Penfield, et effectue des recherches sur les patients épileptiques opérés par Penfield qui souffrent de paralysies, de troubles du langage ou de problèmes de mémoire suite à l’opération. En conduisant des tests sur chacun des patients, elle découvre qu’il existe un lien entre les troubles spécifiques et les parties du cerveau opérées. « À l’époque, l’étude du comportement en lien avec les fonctions du cerveau était un domaine très peu connu. Elle a vraiment jeté les bases de la neuropsychologie », dit Julien Dorion, qui connaît la scientifique depuis 1982 et dirige aujourd’hui le centre d’imagerie cérébrale McConnell des Institut et hôpital neurologiques de Montréal.
Une passion qui ne s’effrite pas avec l’âge
Après une carrière impressionnante et de nombreux prix tels que les prestigieux Gairdner et Kavli, il serait facile pour Milner de se satisfaire des accomplissements passés et de prendre sa retraite. Pourtant, elle continue à se rendre à son bureau des Institut et hôpital neurologiques de Montréal trois ou quatre jours par semaine. Pourquoi? « D’abord, je m’intéresse toujours aux questions scientifiques. Et puis, mes collègues et mes étudiants, ce sont mes amis. Où est-ce que je trouverais des amis si je restais chez moi ? », explique-t-elle.
Aujourd’hui, ses recherches tentent de comprendre comment communiquent les deux hémisphères du cerveau (le gauche, plus analytique, et le droit, plus intuitif et artistique) pour former la pensée. Son travail consiste principalement à accompagner les plus jeunes chercheurs et chercheuses. « Je fais moins de travail de recherche physique – ce n’est pas moi qui vais au laboratoire faire les mesures, dit-elle. Mais j’aime diriger des travaux. J’attache une grande importance à l’écriture – je pense que la façon dont on communique est très importante. J’aide les étudiants avec l’écriture plus qu’avec la science. Parce qu’ils sont peut-être plus avancés que moi, maintenant, ils suivent plus de cours et tout ça. »
L’étendue de son expérience lui permet de constater à quel point les techniques d’imagerie modernes facilitent le travail de recherche sur le cerveau. « C’est merveilleux, vraiment excitant, dit-elle. Vous savez, quand j’étais jeune, il fallait souvent attendre la mort des patients qu’on étudiait pour savoir, même de façon grossière, la nature et l’étendue des lésions. C’était un autre monde. »
Si elle sent que sa mémoire et son intelligence n’ont plus toute la force qu’elles avaient lorsqu’elle était plus jeune, Brenda Milner ne s’inquiète pas de son âge avancé. Elle vit dans le présent sans compter sur l’avenir, comme elle l’a toujours fait. « Je me sens bien, dit-elle. Évidemment, je pourrais tomber raide morte demain matin. Mais c’est le cas de n’importe qui, n’est-ce pas ? »