Les aînés peuvent être vulnérables aux abus de toutes sortes. Heureusement, il existe de nombreuses ressources permettant de combattre la maltraitance envers les personnes âgées.
Selon une enquête menée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), près de 80 000 aînées et aînés québécois vivant à domicile ont été victimes de maltraitance au cours de l’année 2019. Il s’agit d’environ 6 % de la population âgée de 65 ans et plus.
Selon cette même enquête, plusieurs victimes n’osent parler des abus qu’elles subissent, entre autres parce qu’elles ont honte ou qu’elles pensent que leur situation est sans issue.
Il est essentiel que les personnes aînées et leurs proches soient mieux informées et outillées. Le présent article a pour but de vous aider à reconnaître les différents visages de la maltraitance, ainsi que de vous renseigner sur les recours existants et les moyens qu’offre la loi de se protéger contre de potentiels abus.
Qu’est-ce que la maltraitance envers les personnes âgées?
La maltraitance prend diverses formes. On parle de maltraitance lorsque des gestes singuliers ou répétitifs, ou encore une absence d’action équivalant à de la négligence causent de la détresse ou du tort à une personne. Les gestes peuvent être le fait de membres de la famille, du conjoint ou de la conjointe, du personnel d’un établissement de soins, etc.
Le gouvernement du Québec reconnaît 7 types de maltraitance envers les personnes âgées :
- La maltraitance psychologique, qui inclut la manipulation, le chantage, l’humiliation, les menaces, la surveillance abusive, l’isolement, etc. Il s’agit de la forme de maltraitance la plus commune selon l’enquête de l’ISQ.
- La maltraitance physique, soit tous gestes qui portent atteinte à l’intégrité physique, tels que rudoyer, frapper, alimenter avec force, utiliser de manière inappropriée les contentions, priver des conditions raisonnables de confort et de sécurité, refuser de prêter assistance à une personne en situation de dépendance, etc.
- La maltraitance sexuelle, qui inclut un éventail d’actions, de paroles ou d’attitudes à connotation sexuelle auxquelles la personne aînée ne consent pas et qui portent atteinte à son intégrité ou son identité sexuelle.
- La maltraitance matérielle ou financière, soit l’obtention ou l’utilisation frauduleuse ou malhonnête des biens ou documents légaux de la personne ainsi que la mésinformation financière ou légale. Les pressions pour que la personne modifie son testament, le détournement de fonds ou de biens, le vol d’identité et l’utilisation non-autorisée de la carte de crédit en sont des exemples.
- La maltraitance organisationnelle, qui consiste en une situation préjudiciable créée ou tolérée par les procédures des organisations chargées d’offrir des soins et des services. Cela inclut offrir des services de façon brusque ou des services inadaptés aux besoins, avoir une capacité organisationnelle réduite, etc.
- L’âgisme, soit le fait de discriminer une personne en raison de son âge. Cela peut se traduire par des préjugés et des attitudes hostiles, l’exclusion, l’imposition de restrictions en raison de l’âge, l’infantilisation, la réduction de l’accès à certaines ressources, etc.
- La violation des droits, qui peut prendre différentes formes : imposer un traitement médical, refuser à une personne aînée le droit de voter, d’avoir son intimité, de recevoir des visites ou des appels, de pratiquer sa religion ou de vivre son orientation sexuelle, mal informer la personne sur ses droits, refuser de reconnaître les capacités de la personne, etc.
Faire face à une situation de maltraitance peut être éprouvant, aussi bien pour la victime que pour ses proches. Les sections suivantes vous aideront à mieux comprendre la loi et les recours qui s’offrent à vous en cas de maltraitance.
Les lois qui protègent les personnes aînées
Au Québec, le droit des personnes âgées à la protection contre l’exploitation est reconnu dans l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Selon la loi, il y a exploitation lorsqu’une personne profite d’un rapport de force pour causer un préjudice à une personne âgée vulnérable. Il n’y a pas d’âge fixe à partir duquel une personne est considérée comme « âgée » au sens de la loi. Tout dépend de la situation de la personne et de son degré de vulnérabilité.
En plus de la protection offerte par l’article 48 de la Charte, les personnes aînées bénéficient des mêmes droits et libertés que tout le monde, tels que le droit à l’égalité, le droit à la vie, le droit à la sûreté, le droit à l’intégrité et à la liberté et le droit à la libre disposition de leurs biens.
Les personnes aînées sont également protégées par la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Cette loi a pour effet, entre autres, d’obliger les organismes offrant des services de santé et des services sociaux à se doter d’une politique pour lutter contre la maltraitance. Cette politique doit faciliter les signalements et élaborer un processus d’intervention. Les établissements ont la responsabilité de faire connaître cette politique à leurs employés, leurs usagers, ainsi qu’à la famille et aux proches de ceux-ci et celles-ci.
Porter plainte pour maltraitance
Lorsqu’une personne aînée est victime de maltraitance, différents recours permettent à celle-ci, à ses proches ou aux témoins de dénoncer la situation de manière à faire cesser les abus et, potentiellement, à obtenir réparation. Une diversité d’options sont disponibles, selon le contexte et les objectifs poursuivis.
Tout d’abord, la personne aînée ou les témoins des abus peuvent porter plainte pour exploitation ou pour discrimination auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au 1 800 361-6477. La Commission possède une équipe spécialisée qui s’occupe des situations d’exploitation des personnes aînées. Lorsqu’elle reçoit une plainte, elle fait enquête auprès des personnes concernées et tente de les faire parvenir à une entente. Si nécessaire, elle fait appel au tribunal afin d’obtenir une ordonnance, qui permet de forcer l’arrêt des abus ou la restitution financière, par exemple.
Si la maltraitance a lieu dans un établissement offrant des services de santé ou des services sociaux ou dans le cadre de soins à domiciles offerts par un tel établissement, il est possible de faire un signalement au centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) ou au centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la région, ou encore au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services (CLPQS). Les coordonnées des commissaires de chaque région sont disponibles ici.
45 jours après avoir porté plainte au ou à la commissaire, les personnes insatisfaites de la réponse peuvent porter plainte au Protecteur du citoyen au 1 800 463-5070. Lorsqu’une personne témoin d’une situation de maltraitance souhaite faire un signalement, elle peut s’adresser directement au Protecteur du citoyen.
Il est également important de noter que plusieurs actes de maltraitance correspondent à des infractions prises en charge par le Code criminel. On peut penser, entre autres, à la négligence criminelle, les voies de fait, la menace, le vol, la fraude, l’intimidation, le harcèlement, l’exploitation, l’extorsion, l’abus de confiance et l’omission de fournir les choses essentielles à la vie ou les soins nécessaires. Dans ce cas, la maltraitance peut être rapportée à la police.
Tel qu’indiqué à l’article 718.2 du Code criminel, le fait que l’infraction ait été perpétrée contre une personne aînée peut alors constituer une circonstance aggravante, qui influencera la détermination de la peine.
En cas de fraude, il est également possible de communiquer avec le Centre antifraude du Canada au 1-888-495-8501.
La ligne Aide Abus Aînés : une aide précieuse
Les personnes aînées victimes de maltraitance et leurs proches peuvent contacter la Ligne Aide Abus Aînés au 1-888-489-2287. Il s’agit d’une excellente ressource, qui permet aux personnes qui l’utilisent de parler de leur situation avec un(e) intervenant(e), de recevoir davantage d’information sur les types de maltraitance et leurs conséquences, ainsi que de mieux comprendre les recours qui s’offrent à elles et d’être aiguillées vers les ressources appropriées. La ligne AAA offre même un service de suivi téléphonique afin d’épauler les clients dans leurs démarches.
Prévenir les abus : le mandat de protection
Si personne n’est à l’abri de la maltraitance, il existe des moyens de limiter les risques de survenance de certains types d’abus.
Les personnes aînées ont la possibilité d’établir un mandat de protection, autrefois appelé mandat en cas d’inaptitude. Tel qu’expliqué à l’article 2130 du Code civil du Québec, le mandat de protection est un contrat par lequel une personne en désigne une ou plusieurs autres, appelées mandataires, pour la représenter dans l’exercice d’actes juridiques dans le cas où elle deviendrait inapte. Les mandataires peuvent être payés ou non pour leurs services.
Établir un mandat de protection permet aux personnes aînées de décider d’avance qui les assistera dans l’exercice de leurs droits, l’administration de leurs biens et la prise de décisions quant aux soins de santé lorsqu’elles perdront leurs capacités. Cela leur donne la chance de choisir des personnes en qui elles ont confiance. En l’absence de mandat, ce sont les proches de la personne qui devient inapte qui devront demander au tribunal l’ouverture d’un régime de protection.
Le mandat est une bonne source de protection contre les abus, car il offre la possibilité d’établir des directives visant à faire respecter les volontés de la personne : désir d’emménager en résidence ou de rester chez soi le plus longtemps possible, volonté de consentir à certains soins de santé ou non, etc. Il permet également de limiter les pouvoirs des mandataires en fixant différentes règles, telles que devoir obtenir l’accord d’une ou plusieurs personnes pour vendre la maison, rendre des comptes chaque année à une personne de confiance sur l’administration des biens, etc.
Pour être valide, un mandat de protection doit respecter certaines formalités. La manière la plus sûre d’assurer la validité du mandat est de le faire devant notaire. Cette option est avantageuse puisqu’elle donne accès à des conseils juridiques spécialisés adaptés à votre situation particulière. Il faut toutefois payer les frais associés aux services d’un(e) professionnel(le). Lorsque fait devant notaire, le mandat est enregistré au Registre des mandats de la Chambre des notaires.
Un mandat est également valide s’il est fait devant deux témoins, qui signent celui-ci avec la personne à l’origine du mandat, et attestent qu’il ou elle a la capacité d’exprimer ses volontés et en comprend la portée. Le site web du Curateur public fournit une aide précieuse à la préparation du mandat. Pour accéder à la page consacrée au mandat de protection, cliquez ici.
Les mêmes formalités s’appliquent pour la modification du mandat. Finalement, lorsque la personne devient inapte, le mandat doit être homologué, c’est-à-dire rendu officiel par un tribunal, avant de pouvoir s’appliquer.
Il est important de noter que la loi offre des protections dans le cas où les mandataires ne rempliraient pas adéquatement les fonctions qui leur sont conférées, ce qui inclut les situations de maltraitance. Les mandants peuvent, en tout temps, demander au tribunal de révoquer le mandat. Lorsque le mandant ou la mandante est inapte, ses proches sont habilités à demander la révocation du mandat et l’ouverture d’un régime de protection.
En cas d’abus de la part des mandataires, il est possible de porter plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ou auprès du Curateur public, au 1-844-532-8728.
Être confronté à la détérioration de son état de santé ou de celui d’un proche est toujours difficile. Or, mieux vaut s’y préparer d’avance. N’attendez pas les premiers signes d’incapacité pour penser à établir un mandat de protection. Créez un mandat de manière préventive, révisez-le à chaque 2 à 5 ans ou lors de tout changement important dans votre vie et assurez-vous d’aviser vos proches de son existence et de l’endroit où le trouver.
Personne ne devrait avoir à endurer des abus. Si vous ou un de vos proches êtes victimes de maltraitance, n’hésitez pas à demander de l’aide. En cas de doute, mieux vaut contacter la Ligne Aide Abus Aînés, qui peut vous aider à y voir plus clair.