Les mesures de confinement très strictes imposées durant la pandémie ont amené certains aînés à aller vivre avec leurs enfants et leurs petits-enfants. En plus de briser l’isolement, cette cohabitation intergénérationnelle a permis aux familles de réunir les revenus pour survivre à des baisses de salaire ou des pertes d’emploi. Voici pourquoi ce mode de vie attire de plus en plus de gens et devrait pousser les développeurs, les municipalités et les gouvernements à favoriser les projets intergénérationnels.
Qu’est-ce qu’une habitation intergénérationnelle?
L’expérience de vie en commun entre générations implique généralement que les aînés puissent avoir leur espace personnel. Selon Revenu Québec, une habitation intergénérationnelle est considérée comme étant « une maison individuelle dans laquelle a été aménagé un logement indépendant permettant à plusieurs générations de la même famille de cohabiter, tout en conservant leur intimité. » Un appartement peut alors être aménagé à l’étage ou dans le sous-sol. Toutefois, certaines familles vivent également dans des duplex, ce qui permet d’être à proximité tout en ayant un logis qui peut communiquer de l’intérieur.
Augmentation de 30 % en 1 an des ventes de maisons intergénérationnelles
La pandémie a mis en lumière toute l’importance de la présence de nos proches dans nos vies, mais a également révélé les conditions de vie des aînés ainsi que leur grande solitude. Les personnes âgées vivant en résidences ont vécu un isolement sans précédent durant la crise sanitaire. Pendant des mois, il leur était impossible de recevoir des visites de proches, sauf si ces derniers étaient reconnus en tant que proches-aidants.
De plus, la peur d’une éclosion de COVID-19 dans les lieux d’hébergement a poussé certaines personnes à accueillir leur mère ou leur père dans la résidence familiale. Un espace personnel était alors aménagé pour l’aîné (chambre ou appartement) ou une maison intergénérationnelle était achetée. De même, les aînés vivant seuls dans leur maison ont eux aussi été confrontés à un isolement forcé et à l’anxiété découlant de la pandémie. Plusieurs ont alors accueilli un de leurs enfants adultes chez eux, et ces derniers bénéficiaient alors d’un logement peu dispendieux en temps de crise.
Les avantages de la cohabitation
« La pandémie a permis de faire de la cohabitation intergénérationnelle une solution efficace pour réduire l’isolement et la solitude des aînés », explique Fatima Ladjadj, présidente directrice de l’organisme Intergénérations Québec. Et le phénomène de cohabitation intergénérationnelle tend à vouloir se poursuivre après la pandémie puisque ce mode de vie apporte de grands avantages :
- brise l’isolement des aînés;
- permet une entraide mutuelle;
- met en contact les grands-parents et leurs petits-enfants;
- donne aux parents un peu de répit avec les enfants;
- l’argent reste dans la famille au lieu d’enrichir un locateur ou une banque.
Avec l’augmentation du prix des loyers et le coût parfois exorbitant des maisons, la cohabitation intergénérationnelle est une option gagnante! Des retraités peuvent vendre leur grande maison à leurs enfants (ce qui évite à ces derniers de contracter un prêt hypothécaire coûteux), tout en y installant un logis indépendant pour y vivre. La copropriété est également une option intéressante.
Manque de soutien des municipalités et des gouvernements
Comme le marché immobilier comporte très peu de maisons intergénérationnelles (elles représentent seulement 5% du marché), il faut souvent rénover une maison existante ou faire construire une maison adaptée. Il faut alors prendre le temps de vérifier avec la municipalité que les maisons intergénérationnelles sont permises sur le territoire et que la propriété respecte les normes en vigueur.
Aucun crédit d’impôt ou subvention n’est offert pour la construction d’une maison intergénérationnelle. « Le gouvernement et les municipalités n’encouragent pas assez les projets intergénérationnels, tant au niveau du financement que de la réglementation et de la taxation », indique Mme Ladjadj. Par exemple, l’exemption d’impôt sur le gain en capital accordé lors de la vente d’une résidence principale ne s’applique pas nécessairement lorsqu’il s’agit d’une maison intergénérationnelle. Celle-ci est considérée comme étant une propriété à revenus si seuls les enfants ou les parents sont propriétaires.
Il est cependant possible d’utiliser l’aide financière pour le réaménagement ou l’ajout d’un logement à votre maison si votre municipalité participe au programme Rénovation Québec. Il est aussi possible d’obtenir un remboursement partiel de la TPS et de la TVQ lors de rénovations majeures. Si la maison intergénérationnelle que vous désirez construire est votre première maison, un crédit d’impôt pourrait alors vous être accordé.
Vers des projets de développement communautaires intergénérationnels
À Washington, l’organisme à but non lucratif Generations United a construit de nombreux immeubles à logements pour aînés dans des milieux intergénérationnels, que l’organisme considère comme étant un mode de vie d’avenir. Les dirigeants de l’organisme estiment que les développeurs, les commerçants et les services publics doivent se concerter pour offrir des sites communautaires d’habitations intergénérationnelles. « Si nous pensions à nos communautés de manière intergénérationnelle, nous développerions des habitations, des parcs et des services de façon à inclure les gens de tous les âges. Les aînés veulent faire partie d’une véritable communauté! »
Un autre exemple de projet intergénérationnel est Bridge Meadows, un développement à Portland (en Oregon) offrant des appartements à coûts abordables à des aînés et à des familles d’accueil pour jeunes en difficulté. Les aires communes sont conçues pour favoriser les interactions entre les résidents. Des activités, des repas partagés et des services de soutien sont également organisés.
Ces nouveaux modèles de vie communautaire intergénérationnelle sont sans nul doute à considérer pour une application ici-même au Québec, où les modèles d’hébergement pour aînés sont à repenser.